De nouvelles habitudes dans un ancien habit : être sœur en 2016

Cet article est d’abord paru dans l’édition de septembre 2016 de Life in Québec Magazine.
Par Farnell Morisset
À première vue, le bureau de Sarah McDonald a tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Un laptop fermé se trouve sur le coin d’un pupitre en bois, avec quelques petites piles de dossiers arrangés proprement autour d’un espace de travail. Il y a une petite étagère dans le coin, quelques chaises disparates, et malgré un plafond bas la lumière naturelle entre par les vitraux.
Oui, vitraux. Parce que le bureau de Sarah McDonald est dans un monastère du Vieux-Québec, où la sœur de 35 ans participe aux travaux des Sœurs Augustines de la Miséricorde de Jésus.
Lorsqu’elle était jeune fille, McDonald avoue qu’elle ne cherchait pas à se joindre à un ordre religieux. McDonald a grandi à Sudbury, en Ontario, et avait un point faible pour le volleyball. Sa famille n’était pas particulièrement religieuse. Elle s’est inscrite dans un programme de sciences à l’Université McMaster, mais a vite trouvé que ce n’était pas pour elle. Elle a plutôt terminé un programme en sciences religieuses, ce qui lui a donné ses premiers modèles de personnes religieuses, reformant son idée de la vie religieuse. « J’avais d’excellents modèles à l’université, » elle affirme, « des femmes qui étaient sœurs, qui m’ont permis de découvrir ce que c’était. »
McDonald a été bénévole pour un certain temps avec les Mères de la Charité, la communauté de Mère Teresa, dans un orphelinat de Calcutta en Inde. Sa carrière l’a amené à Québec en 2006 pour préparer le Congrès eucharistique international lors du 400e anniversaire de la ville en 2008. C’est là qu’elle a rencontré les sœurs Augustines.
Les Augustines, elle explique, sont des chanoinesses régulières, ce qui veut dire que leur rôle est une combinaison de liturgie et de service pratique à leur communauté selon les besoins de l’Église. Pour les sœurs Augustines, l’emphase est sur l’aide aux pauvres et aux malades. Elles ont fondé les premiers hôpitaux du Québec et leur monastère est toujours attaché à l’Hôtel-Dieu de Québec, accoté aux anciennes fortifications de la ville.
Le lien entre le travail liturgique et le service aux autres l’a rappelé de ce qu’elle aimait de son travail à Calcutta ainsi qu’à l’organisation du Congrès eucharistique à Québec, et elle a entamé le processus pour se joindre à l’ordre.
McDonald décrit ce processus comme étant « comme fréquenter un mari potentiel ». La progression est intentionnellement lente, ce qui encourage les candidates à considérer en profondeur la vie à laquelle elles s’engagent. Elles peuvent quitter le processus en tout temps sans problème si elles déterminent que ce n’est pas pour elles. Il y a d’abord l’étape du postulat, une période « pour apprendre à se connaître » quand les candidates (appelées postulantes) gardent leurs emplois et autre engagements tout en vivant avec la communauté et participant à ses activités, et ensuite une période de noviciat – les « fiançailles » selon McDonald – quand les candidates (maintenant novices) apprennent la théologie formelle et le travail de l’ordre dans le but de faire leurs vœux religieux.
Dans l’ordre des Augustines, les premiers vœux d’une nouvelle sœur ne sont pas finaux – les sœurs prennent d’abord des vœux temporaires, renouvelables annuellement pour un minimum de trois ans, pour s’assurer que la vie d’une sœur est la bonne. Ensuite viennent les vœux finaux : pauvreté, chasteté et obéissance, communs à toutes les communautés de chanoinesses régulières et le vœu de service aux pauvres et aux malades, qui est unique aux Augustines. Le processus du postulat jusqu’aux vœux finaux prend au moins cinq ans, et souvent plus.
Quand elle ne travaille pas au nouveau complexe de santé des Augustines, récemment établi dans le monastère lui-même, elle est une infirmière praticienne travaillant dans un centre privé de soins de longue durée, principalement avec des patients atteints de démence.
Elle est la seule sœur du personnel, et elle effectue le même travail que les autres infirmiers et infirmières – elle a été engagée, elle travaille ses quarts, et elle reçoit des courriels de son patron pour faire le suivi de ses tâches. Il y a deux différences importantes : d’abord, au lieu de l’uniforme habituel d’infirmière, elle porte l’habit noir-et-blanc d’une sœur, adaptée aux besoins de santé et de sécurité du travail. Lors de ses études et stages, elle a reçu une « accommodation raisonnable » pour ses vêtements religieux, quoiqu’elle rappelle que les infirmières ont porté l’habit des sœurs pendant des siècles. Plusieurs de ses patients plus âgés se souviennent d’un temps où « la garde-malade » était normalement une sœur, et donc pour eux son habit est parfaitement normal, même rassurant.
Deuxièmement, elle ne reçoit pas directement son salaire.
« Mon vœu de pauvreté fait que je ne dépose pas mon chèque de paye dans mon compte de banque, » elle explique. « Je le donne à la communauté religieuse, et la communauté me fournit tout ce dont j’ai besoin. » Cela veut dire qu’elle n’a pas vu le dernier film des Avengers et ne prendra pas de vacances au Bahamas, mais cela ne semble pas la déranger, puisqu’elle préfère des activités plus simples comme le camping en famille.
Comme l’indique sa facilité avec la technologie, Sarah McDonald est une femme pleinement moderne à l’affut des changements sociaux. Elle sait que la plupart du travail des ordres religieux est maintenant offert par l’état et que ses collègues laïcs sentent le même appel d’aider les malades. Elle n’a que des bonnes choses à dire de leur travail. « C’est vraiment important de différencier le travail d’une infirmière de celui de la vocation religieuse, » elle dit. « Mon appel est d’abord l’amour de Dieu. » Aider les pauvres et les malades comme elle le fait est sa réponse à cet appel initial, mais elle est aussi dévouée à la vie de sœur, avec ses aspects liturgiques combinés à son travail d’infirmière.
Quant à l’avenir, elle dit qu’elle respectera son vœu d’obéissance. « Demain, mon travail ne sera peut-être pas d’être infirmière. Je ne sais pas où Dieu m’appellera par la communauté. » Elle admet que le mot « obéissance » peut faire peur, mais elle le décrit plutôt comme un processus de discernement collectif. « C’est très facile pour un individu de dire : ‘Oui, Dieu m’appelle à être riche et célèbre !’, mais des fois c’est bien d’avoir d’autres qui discernent avec toi pour vraiment voir où tu es appelée. » En pratique, c’est très rare qu’une sœur soit envoyée quelque part contre son gré.
Parlant des curieux et curieuses de la vie religieuse, elle cite laconiquement l’évangile de Jean chapitre 1 verset 39 : « Venez, leur dit-il, et voyez ». Elle reconnaît que les ordres religieux n’ont pas la taille qu’ils ont déjà eu, mais elle voit toujours un rôle important – bien que subtil – de l’Église dans la vie quotidienne. Elle espère que les intéressées par la vie religieuse puissent voir plus loin que les stéréotypes des vieilles sœurs grincheuses et qu’elles trouvent le courage d’explorer les communautés comme la sienne. Dans son cas, au moins, ça semble être la bonne vie pour elle.
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