L’anglais québécois : dialecte distinct

L’anglais québécois : dialecte distinct

LIQ June 2016 coverCet article est d’abord paru dans l’édition de juin 2016 de Life in Québec Magazine.

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Par Michael Bourguignon

Un anglo-Montréalais pourrait bien demander à un propriétaire torontois qu’il cherche « a three-and-a-half near a métro and a dep for a stage », le Torontois ne saurait quoi lui répondre.

Dans un article récent écrit pour l’Encyclopédie canadienne, le Dr Charles Boberg, professeur associé de linguistique à l’université McGill, note que la proportion des Québécois qui parlent anglais comme langue maternelle a baissé de 25 pour cent au 19ième siècle, à 14 pour cent au milieu du 20ième siècle, à environ 8 pour cent aujourd’hui.

Pour une variété de raisons, l’anglais qui a survécu dans la province est devenu aussi distinct que le Québec lui-même.

En tant que spécialiste des différences linguistiques, Boberg a étudié l’anglais québécois en comparaison à l’anglais parlé ailleurs au Canada et n’hésite pas à décrire l’autre langue de La Belle Province comme un dialecte réellement unique qu’on n’entend pas ailleurs sur le continent. Même à l’intérieur de la province, des enclos de Québécois parlent anglais avec leur patois unique.

« Nous avons trouvé que la péninsule gaspésienne est une zone de transition intéressante entre l’anglais québécois classique et l’anglais néo-brunswickois, où les anglophones disent par exemple ‘It’s some hot out there!’ »

Pendant longtemps, Gaspé était une région éloignée ayant plus de contact avec le Nouveau-Brunswick que le reste du Québec, explique Boberg. Comme la langue elle-même, la réalité change depuis des années, en partie par la force des lois linguistiques du Québec, il dit.

De la même façon que le français québécois est saupoudré d’anglicismes, l’anglais parlé dans la province est un dialecte distinct ayant beaucoup d’influences de la majorité francophone. C’est pourquoi les anglos d’ici achètent leur bière au « dépanneur » au lieu de parler du « convenience store » et prennent le « métro » et non le « subway » pour aller travailler.

La distinction vient de plusieurs sources, selon Boberg. Historiquement, une des différences majeures entre l’anglais de l’est du Canada et celui du reste du pays était que les provinces comme la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont été colonisées par quelque 45 000 loyalistes de l’Empire britannique après la révolution aux États-Unis; quand des membres de ce même groupe sont arrivés au Québec, ils ont été « encouragés » par les résidents francophones de s’installer en Ontario.

La population y étant moins dense, l’Estrie à la fin du 18ième siècle a été plus ouverte aux arrivants de langue anglaise, et les noms anglais des gens et des endroits restent bien établis là encore aujourd’hui.

Au début du 19ième siècle, les villes portuaires de Montréal et Québec accueillent grand nombre d’Irlandais, d’Écossais et de Britanniques, et la langue de ces îles continue d’influencer l’anglais québécois depuis.

« Alors vous avez l’influence britannique, et ensuite le fait que l’anglais au Québec est devenu non seulement une minorité numérique, mais aussi une minorité sociale, » Boberg explique. « Il y a encore relativement peu de contact entre les anglo-québécois et le reste du Canada, alors la langue a développé de sa propre façon. »

Par exemple?

« Les anglophones québécois sont les seuls au Canada qui gardent la distinction britannique entre le E et le A devant deux Rs, comme dans ‘Mary, marry and merry.’ En même temps, pour quelques mots, c’est la vieille histoire des États-Unis versus la Grande-Bretagne. Au Québec, l’influence des médias de masse des États-Unis nous donne une tendance à plus utiliser les termes états-uniens. »

Boberg est né aux États-Unis dans ce qu’il appelle un environnement tridialectique : son père était Canadien, sa mère Britannique, et ses compagnons d’école parlaient l’anglais des États-Unis. Il a apporté ce potpourri linguistique avec lui quand il a déménagé en Alberta, où il a vécu avant de déménager à Montréal en 1997. C’est dans la métropole que Boberg a observé et s’est fait une appréciation rapide de la nature distincte de la langue locale.

« La première chose que j’ai remarqué était la diversité incroyable des composantes ethniques de l’anglais ici, » il dit, citant trois grandes catégories distinctes d’anglophones : Britanniques, Juifs, et Méditerranéens, ce dernier groupe comptant les Portugais, Grecs et, surtout, les Italiens.

« À Edmonton, vous ne pouvez pas savoir si une personne est juive par la façon qu’ils parlent, » il note, tandis que le « G » prononcé dans les mots se terminant par « ing » est un trait particulier de l’accent juif de Montréal.

Pour ce qui est des Italiens, Boberg note l’existence d’un « dictionnaire de l’anglais de St-Léonard », en référence au quartier de Montréal ayant une démographie très italienne.

Boberg trouve fascinant que ces différents groupes qui parlent anglais « vivent à 20 kilomètres l’un de l’autre, et pourtant ils ne parlent pas le même anglais. »

Ce n’est pas vrai à Toronto, il maintient, parce que cette ville à un pouvoir apparent d’assimiler. En comparaison, il dit, un résident d’origine italienne à St-Léonard garde son accent distinct « comme source de fierté » même si sa famille est au Québec depuis des générations.

Si tel est l’histoire et la réalité moderne du « fait anglais » du Québec, que pourrait être son futur ?

« Ça dépend de toutes sortes de facteurs non linguistiques, » dit Boberg. « Pour qu’une langue survive, elle doit avoir une communauté linguistique. Tout dépendant d’à quel point la majorité francophone sera dominante, ça ne prendrait pas grand-chose pour recommencer l’exode et contrecarrer les petits nombres de nouveaux Québécois de langue anglaise. »

Il note que Montréal dans les années 1850 était 50 pour cent anglophone, et même la ville de Québec, qui est resté solidement francophone, était 40 pour cent anglophone.

« Ce qui est spécial est que le Québec est la seule place en Amérique du Nord où l’anglais est une minorité, » note Boberg.

Et l’anglais parlé ici est même une minorité à l’intérieur de sa propre langue.

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Michael Bourguignon

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Michael Bourguignon is a language instructor, writer, editor, translator, narrator, and amateur stage actor. He is available for children's parties.

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